Les liens de l’approche narrative avec d’autres disciplines

Le texte suivant est issu de la contribution de Claire LHUISSIER intitulée Introduction à l’approche narrative, présentée au premier “colloque des délinquants” (groupe de recherche d’élèves-enseignants en PNL, sous la direction de Bernard BAREL), les 18 et 19 juillet 2015, à Paris.

 

La pratique narrative entretient de nombreux cousinages avec d’autres approches.

 

En premier lieu, on peut mentionner la psychologie populaire. Prenant le contrepied de la psychologie savante réservée à des experts, ce courant postule que les gens qui ne sont pas « déformés par des études » ont toutes les capacités nécessaires pour décrypter les choses grâce à leur bon sens, et qu’elles s’attachent souvent à la question du but, de la finalité (c’est la notion d’ « intentionnalité »). La psychologie populaire se définit de fait parfois comme la psychologie des « états intentionnels » (alors que la psychologie savante est celle des « états internes », c’est-à-dire des manifestations d’un « soi profond » qui s’extériorise de façon symptomatique sous la forme de « pulsions » à décoder).

En second lieu, on peut citer la systémique (parfois appelée « science des systèmes »), chez les théoriciens de laquelle on retrouve l’idée que la solution est, la plupart du temps, indépendante du problème. Dans le même sens, dans l’approche narrative, on ne solutionne pas le problème, on le dissout ; c’est l’une des caractéristiques de la posture basse du praticien. Enfin, les notions de « paysage des relations », d’« absent implicite » (la valeur absente que le trouble émotionnel ou comportemental honore), de « témoin extérieur » etc. renvoient à une multiplicité de contextes et de points de vue.

En troisième lieu, on évoquera la philosophie politique, car il y a une critique sociale et sociologique dans l’approche narrative. Celle-ci postule en effet que la société fabrique des individus en rivalités (et que ces antagonismes empêchent l’établissement de relations ajustées) ; elle invite la personne à opérer un tri entre les valeurs imposées et ses valeurs préférées, reliées à ses capacités et ses aspirations.

En outre, on a déjà évoqué plus haut l’influence de nombreux auteurs en anthropologie et en linguistique sur la pensée de Michaël WHITE…

 

Par ailleurs, la pratique narrative fait beaucoup appel au sens (« signification »), et en cela elle s’approche de la psychanalyse. Cependant, la narrative cherche à retrouver des expériences positives – et non traumatiques.

De même, la pratique narrative relève de la psychothérapie en ce qu’elle tend à offrir une « surface réfléchissante » pour faciliter la clarification d’une question. Elle cultive une approche solutionniste, qui consiste à éviter de se focaliser sur le problème, ainsi qu’une approche comportementale, qui consiste à (re)mettre les personnes en action. Néanmoins, pour un praticien narratif, le problème d’une personne se présente comme une piste qui donne aussi sens à la vie ; en conséquence, il cherche de quel aspect positif de sa vie ce problème coupe la personne.

Enfin, la narrative entretient une relation lointaine avec le storytelling ou « l’art de raconter des histoires ». Cette technique consiste à diffuser, au sein d’une organisation, une ou plusieurs histoires à fort pouvoir séducteur. Le message véhiculé s’adresse donc d’abord aux états internes (c’est-à-dire aux ressentis) des personnes. Avec un fort critère d’efficacité, la démarche vise à séduire pour influencer ou convaincre : la narration est alors ciselée et instrumentalisée pour orienter des opinions et des comportements, selon les objectifs visés. En narrative, toutefois, la personne détermine elle-même son histoire préférée, et la rationalité n’est pas seconde.

 

Les auteurs français revendiquent comme une richesse la porosité de l’approche narrative avec d’autres méthodes. Chez de nombreux praticiens narratifs, c’est une fertilisation réciproque des disciplines qui est souvent à l’œuvre.